LE COODONNATEUR DE LA CONGOLAISE242 SUR LE DÉCONFINEMENT DU SECTEUR CULTUREL AU CONGO
Source de l’interview : Les Dépêches de Brazzaville
Coordonnateur de la plateforme web culturel Lacongolaise, Arcel Diamana alias Sisa Bidimbu, comme tous les artistes congolais, s’est fortement réjoui à l’annonce de la réouverture des lieux de loisirs et autres espaces clos. Une mesure salvatrice qui redonne aux artistes le champ libre de tenir des spectacles et d’exprimer leur talent. Une mesure, selon Arcel Diamana, qui nécessite particulièrement un plan de relance au regard des deux ans sans activités, suite à la covid-19, qui ont plongé les artistes dans le chaos.
Les Dépêches du Bassin du Congo (L.D.B.C.) : En tant que responsable d’une plateforme culturelle en ligne, comment avez-vous traversé ces deux ans d’inactivité culturelle et de suspension de spectacles au Congo ?
Arcel Diamana (A. D.) : C’était difficile. Pendant le confinement, par exemple, on ne pouvait plus être en contact physique avec les artistes pour faire correctement notre travail. Par la suite, le champ d’action de notre ligne directrice s’est réduit. Ce qui nous a contraint de revoir un certain nombre de choses pour faire vivre notre plateforme et pérenniser l’étendue de la culture congolaise sur la toile pendant cette période. Ce, à travers des émissions, une série en autoproduction, la valorisation de la gastronomie locale… Cela justifie en partie le Prix de l’innovation (Médias en ligne) que nous avons remporté en ce début d’année, lors de la 5e édition de Studio 210, trophée panafricain.
L.D.B.C. : Durant ces deux ans, le web est devenu la voie par excellence pour les artistes de s’exprimer. Devraient-ils continuer à utiliser sagement cette piste ?
A. D. : La congolaise242 existe depuis huit ans et avant la covid-19, de nombreux artistes ne trouvaient pas opportun de collaborer avec les médias culturels en ligne ou encore de soigner leur image sur la toile. Grace à la covid-19, les artistes ont finalement compris qu’on ne peut pas, de nos jours, communiquer, promouvoir son image et vendre ses œuvres à l’international sans intégrer le numérique dans son plan de communication. Il suffit juste de comprendre et de maîtriser les codes et astuces qui régissent cet univers. Cette expérience devrait être aussi considérée comme une aubaine pour les artistes congolais pour justement examiner comment réorienter la pratique quotidienne de leur art, afin de mieux exporter leur expertise à travers le monde.
L.D.B.C. : Le 28 février dernier, après deux ans de restriction de spectacles et d’activités grand public, les artistes voyaient enfin un poids levé sur l’industrie culturelle. Quel est votre ressenti ?
A. D. : Je salue cette décision des autorités congolaises car la prestation scénique peut être considérée comme l’axe principal qui permet aux artistes d’exprimer leurs talents, de rester compétitifs et de vivre financièrement. Pendant deux bonnes années, l’interdiction des spectacles a contribué à fragiliser davantage le secteur culturel congolais avec un impact considérable sur la création, la production, l’expression artistique et aussi sur la vie sociale des artistes congolais. Aujourd’hui, au-delà de la reprise des spectacles, il est souhaitable que le gouvernement congolais, par le biais de son ministère de tutelle, puisse mettre en place un plan de relance de la vie culturelle et artistique dans notre pays. Et aussi mettre sur pied une politique sociale pour soutenir les artistes les plus fragiles.
L.D.B.C. : Les artistes se plaignent énormément du manque d’accompagnement du secteur. Croyez-vous qu’avec la levée de cette mesure, quelque chose changera ?
A. D. : Je reste optimiste, mais également pessimiste tout de même car le ministère de tutelle est trop protocolaire, administratif, moins visible sur le terrain et manque d’initiatives pour valoriser notre culture. Le Bureau congolais des droits d’auteurs, qui est censé donner de l’oxygène aux artistes, devrait à mon humble avis répondre à leurs attentes, tout en définissant une bonne politique sociale, claire et transparente. Je pense aussi que les artistes doivent se mouvoir artistiquement tout en considérant le ministère de la Culture comme un régulateur, une administration et non comme une institution qui peut faire décoller leur carrière. Les artistes congolais doivent travailler davantage, aiguiser leur talent pour rester compétitifs sur le plan international. Quand l’œuvre ou la création artistique est bien faite, elle vous propulse sans difficulté au-delà de vos attentes.
L.D.B.C. : Quel message lancez-vous aux mécènes et sociétés privées implantées au Congo ?
A. D. : Il nous faut une bonne dose de patriotisme : « L’artiste congolais avant tout ». On devrait être les premiers à valoriser nos artistes. Nos mécènes sont en voie de disparition, les producteurs quasiment inexistants ainsi que le sponsoring. Dans les médias traditionnels (télévision, radio), c’est la politique qui occupe une place de choix. Ces différents éléments freinent et fragilisent l’exposition de la culture. Au-delà de leurs missions régaliennes, les entreprises nationales et étrangères implantées au Congo devraient contribuer à dénicher et valoriser des talents locaux.